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Séparation Le Cannet

Délibérations de la communauté de Cannes entre 1710 et 1789

Séparation Le Cannet
Séparation Le Cannet

(1774) Extrait des registres du conseil d’ÉtatSur la requête présentée au roi en son conseil par les habitants du Cannet en Provence, contenant qu’ilssont dans la nécessité de recourir aux bontés et à la justice de sa majesté pour faire cesser les vexationsde tout genre qu’ils éprouvent chaque jour et depuis longue suite années de la part de la communauté deCannes, à laquelle ils sont unis pour ce qui concerne l’administration municipale des affaires de leurparoisse et la contribution aux impositions royales.Le lieu du Cannet contient environ 1300 habitants parmi lesquels on peut compter 250 chefs de famille.Son terroir est également étendu et fertile arrosé par des eaux abondantes et avantageusement situées. Ilest couvert d’une quantité prodigieuse d’orangers qui soigneusement cultivés par les propriétaires leurrapportent un produit assez considérable. Ce terrain est d’ailleurs susceptible d’augmentation. La paroissedu Cannet, aujourd’hui très peuplée n’était dans son principe qu’un espèce de hameau contenant un trèspetit nombre d’habitants, que faute d’église au dit lieu, étaient obligés d’aller au village plus prochain pourassister aux offices divins. Ce village est celui de Cannes quoique éloigné du Cannet d’une grande lieue.Cette circonstance réunit bientôt les 2 territoires, et les suppliants furent imposés aux rôles de toutes lesimpositions dont la communauté de Cannes est susceptible. La population s’étant accrue dans la suite, leshabitants se sont multipliés, et d’un petit hameau contenant quelques maisons éparses çà et là, il s’estformé successivement un village fort supérieur à la plupart des communautés de Provence. On y a d’abordérigé une paroisse, après quoi, il a été établi une boucherie particulière que le boucher de Cannes estobligé d’approvisionner. Les suppliants se sont même soumis à quelques impositions séparées de celles duchef lieu. Quelques temps après, ces derniers demandèrent qu’il fut choisi parmi eux un consul et quelquesofficiers municipaux pour stipuler leurs intérêts dans les assemblées et veiller à ce qu’il ne fut fait aucuneentreprise sur leurs propriétés. Rien n’était plus juste que cette demande à la communauté de Cannes, nepouvant raisonnablement s’y refuser. Néanmoins, soit pour conserver une autorité despotique sur lessuppliants, soit pour être plus à portée de se soulager des impositions royales à leur préjudice, elle a rejetétoutes les propositions qui lui ont été faite à ce sujet, ce qui a obligé les suppliants de se pourvoir auparlement de Provence où il est intervenu arrêt qui ordonne qu’il serait nommé annuellement parmi lessuppliants un consul, un auditeur des comptes, deux estimateurs et plusieurs conseillers, lesquelspourraient assister à toutes les assemblées qui se tiendraient par les habitants de la communauté deCannes, et y auraient voix délibérative au même instar des officiers municipaux de la dite communauté. Cetarrêt a été suivi de plusieurs autres, qui quoique tous rendus en faveur des suppliants ne leur ont pasmoins coûté à cause de l’union des frais considérables, et il en est de plus résulté une source intarissabled’aigreur, d’animosité et une espèce de guerre civile qui se renouvelle chaque jour, obligée de se conformerà ce qui lui est enjoint pour l’élection des officiers du Cannet. La communauté de Cannes a recours à touteDD12p002sorte de moyens pour rendre illusoires les droits qui sont relatifs à leurs fonctions. En effet, lorsqu’il s’agitpe prendre quelques délibérations secrètes, les consuls de Cannes affectent de n’indiquer les assembléesqu’à la fin du jour afin que les officiers du Cannet qui ne peuvent alors retourner chez eux que lelendemain, s’abstiennent d’y aller, qu’ils encourent dans ce cas l’amende portée par leur règlementmunicipal, et que les habitants de Cannes, n’ayant pas de contradicteurs dans leurs oppositions dont lerésultat est toujours à l’avantage de la communauté du dit lieu, et à la charge de la paroisse du Cannet.Telle est la triste position où se trouvent aujourd’hui, les suppliants. Mais plus, il sont à plaindre, plus ils ontle droit d’espérer que sa majesté viendra à leur secours, et les affranchira de l’oppression dans laquelle ilsgémissent depuis nombre d’années en leur donnant une « existime »propre et indépendante en exigeantleur paroisse en corps de communauté.D’abord, les avantage qui en résulteront sont aussi multipliés qu’inestimables :1° Les suppliants ne seront plus exposés à essuyer des procès avec la communauté de Cannes pourobtenir les secours et les réparations dont cette communauté est chargée à cause de l’union.2° Il y aurait un boucher vendant chez eux et la viande sera par ce moyen à meilleur marché parce que ceboucher n’aura point à supporter les frais qu’occasionne à celui de Cannes le transport de ses viandes auCannet pour le service des habitants.3° Les officiers municipaux ne seront plus obligés de se transporter à Cannes pour assister auxassemblées. Ils ne seront pas non plus exposés à revenir chez eux pendant la nuit par un chemin long etdifficile, ce qu’ils sont cependant forcés de faire aujourd’hui par l’affectation des syndics de la communautéde Cannes d’en convoquer les assemblés que le soir, ce qui serait bientôt la cause d’un nouveau procèsentre cette communauté et les suppliants s’ils restaient plus longtemps unis.4° ceux-ci n’auront plus le désavantage s’ils sont obligés d’attaquer la communauté de Cannes en justice,de contribuer aux frais des procès dans lesquels elle succombera et de fournir aussi des armes contre euxmêmes.5° Ils ne seront point non plus obligés de contribuer aux frais des procès qui ne les concernent point telsque sont ceux que la communauté de Cannes peut avoir son curé et autres pareilles natures, auxquels lessuppliants n’ont aucun intérêt.Enfin, ils n’auraient plus à craindre le transport toujours dangereux des deniers des contribuables, et ilspayeront chez eux les dépenses auxquelles les réparations publiques pourront donner lieu. Tous les objetsd’utilité et de commodité ne porteront aucun préjudice à la communauté de Cannes à moins qu’elle neregarde comme un profit et comme un droit le refus constant et opiniâtre qu’elle fait essuyer aux suppliantslorsqu’il y a des réparations à faire dans leur paroisse, aux rues, à l’église, au cimetière et autres bâtimentsqui en dépendent, à moins qu’il ne soit avantageux de soutenir des procès injustes contre les suppliants, età leur dépens, à moins encore qu’elle ne trouve son intérêt à faire venir les officiers municipaux du Cannetau lieu de Cannes pour assister aux assemblées. On a convoqué les assemblées que le soir afin d’obligerles dits officiers à l’alternative également dangereuse, ou de ne pas s’y rendre, ou de s’en retourner chezeux pendant la nuit par des chemins souvent impraticables. Quoiqu’il en soit et si les privations lui sontsensibles, elles ne doivent pas nous avoir leur effet, mais la communauté de Cannes de souffrir de cettedivision y trouveront aussi ses avantages. En effet, il est certain que tous les objets de fourniture publiquetels que le pain, la viande et autres comestibles deviendront à meilleur marché par la raison que lesfournisseurs n’auront point attendu les mêmes fournitures au lieu du Cannet. De plus la dite communautépartagera avec les suppliants ce précieux avantage de n’être plus exposé à soutenir aucun procès contre laparoisse du Cannet pour les affaires domestiques, et par ce moyen, les habitants n’auront point à supporterles frais qui en sont la suite inséparable. Ces différents avantages seront seuls suffisants sans doute pouropérer la désunion dont il s’agit. Cependant, la demande des suppliants n’est pas moins fondée surl’équité, les communautés de Provence devant payer en corps les impositions qui sont dues par tous. Leurscontribuables ont la faculté de choisir les moyens les plus convenables pour y satisfaire l’imposition. Lesplus en usage à cet égard est la traite qui se prend sur les fonds des terres dont l’estimation est faite dansle cadastre ou à leurs livres terriers. Néanmoins ces communautés peuvent les établir sur les autres fruitsde leur terroir et sur l’entrée et la sortie des denrées que consomment les habitants ou qu’ils exportent. Lacommunauté de Cannes est du nombre de celle qui usent de ce dernier droit, les habitants cultivants trèspeu d’orangers dans leur territoire, elle a le soin de départir les impositions qu’elle doit fournir sur cettedenrée qui est presque le seul bien de la paroisse du Cannet, et elle se libère aussi aux dépens dessuppliants d’une charge qu’elle devait au moins partager avec eux. Ce genre d’administration est unepreuve sensible de l’espit de partialité qui règne dans les assemblées de cette communauté ; mais ce n’estpas le seul malheur attaché à la condition des suppliants. Par une suite de la liberté accordée auxcommunautés de province de subvenir à leur gré aux dépenses extraordinaires auxquelles elles sontsujettes, comme lorsqu’il s’agit de construction ou réparation d’église, d’hôtel de ville, de fontainespubliques ou autres objets de cette nature, elles peuvent établir d’autres impositions qui se nommentcapages ou capitation, mais il résulte souvent de ce droit les plus grands abus. On établit ces sortesd’impositions pour les dépenses les plus ordinaires, et l’on fait contribuer le général des habitants pourfournir à des objets qui ne concernent la plupart du temps que des particuliers. C’est ainsi que lacommunauté de Cannes ayant l’avantage de prévaloir dans les assemblées à cause du plus grand de sesofficiers municipaux et de ses habitants a établi pendant une longue suite d’années des capages dont elle aemployé le produit aux seuls objets qu’intéressaient la paroisse, tandis qu’elle a refusé constamment lemême secours aux suppliants pour le rétablissement de leur église qui tombait en ruine, et les réparationsdes rues et des chemins qui étaient impraticables, et ce n’a été qu’à l’extrémité et par l’entremise du sieurévêque diocésain et autres personnes de considérations qu’ils ont enfin obtenu quelques légèresréparations dont les frais ne peuvent entrer en comparaison avec les sommes provenant des capagesqu’ils ont payés en outre lorsqu’il passe des troupes dans le pays ou qu’elles y viennent en garnison. Lesconsuls ayant la liberté de disposer du logement des soldats, les suppliants sont toujours plus chargés queles habitants de Cannes ; les corvées pour le transports des bagages leurs sont ordinairement réservés.Enfin, ils sont également mal traités dans les tirages de la milice, étant d’usage dans la province de suivresur ces objets, les instructions des consuls et autre officiers chargés des intérêts des communautés. Telssont les motifs d’équité qui déposent en faveur de la demande des suppliants. Ils sont d’autant plus décisifsque l’union des deux paroisses de Cannes et du Cannet n’est dondée sur aucun titre, et n’a pour cause quela proximité des deux cantons et le peu de consistance qu’avait autrefois le lieu du Cannet, mais cettedemande est encore fondée sur le droit commun et les lois générales de la province suivant lesquelles onérige un corps de communauté. Toutes les paroisses qui contiennent un certain nombre d’habitants, et dontle terroir assez étendu et fertile, est en état de contribuer pour sa part au paiement des charges auxquellesela province est sujette. C’est ainsi que quand des biens possédés noblement sont donnés à nouveau bailpar les seigneurs qui en sont propriétaires, la province fait procédér à l’affouagement des cantons. Il naît delà, des communautés dans les lieux où il n’en existait pas.

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