Infrastructures
Eau, Routes et bâtiments
Problème de l’approvisionnement en eau
Tous les ans, la sécheresse rappelle à l’ordre nos administrateurs. L’approvisionnement de l’habitation en eau constitue un grave problème qui n’a pu être résolu faute essentiellement de moyens financiers.
Lors du conseil de la communauté du 7 Octobre 1764, le sujet est une nouvelle fois évoqué :
Les sieurs maire et consuls représentent qu’il n’est rien de plus intéressant à cette communauté que de s’assurer d’une source qui puisse fournir suffisamment de l’eau pour une ou deux fontaines ; On ne peut en reconnaître l’importance que lorsque l’eau, qui est un élément très nécessaire, manque totalement. La source qui en fournit à la fontaine établie depuis quelque temps, n’en donne qu’en hiver et quand les pluies sont abondantes. Elle cesse de couler en été, ce qui ne saurait faire l’avantage des habitants obligés d’aller à la recherche de l’eau et d’avoir recours à des puits, et le plus souvent, ils n’en trouvent que des mauvaises qui leur occasionnent des maladies. Le lieu est assez considérable pour qu’on doive s’attacher à l’établissement d’une bonne fontaine, non seulement pour le besoin des habitants, mais aussi pour les étrangers qui trafiquent, et pour les troupes qui y logent. Il ne serait pas sans doute impossible de trouver une source. Il y a de l’eau suffisamment à celle qui en fournit à la fontaine du Cannet dont on pourrait faire usage pour en avoir à Cannes et dans tous les temps. On en trouverait aussi dans le quartier des Vallergues du terroir de ce lieu, mais pour en faire une découverte assurée, il conviendrait que la connaissance fut donnée à une personne entendue et qu’on la fit venir d’Aix ou de Marseille...
Les assemblés, reconnaissant la nécessité de s’assurer d’une source pour fournir de l’eau aux habitants exposés à souffrir tous les étés du tarissement de la fontaine qui ne coule qu’autant que les pluies sont abondantes, ont unanimement délibéré, sous le bon plaisir de Monsieur l’Intendant, et donner pouvoir aux sieurs maire, consuls, de faire venir, d’Aix ou de Marseille, un habile fontainier, attendu qu’il n’y en a point dans les environs de ce lieu, et de traiter avec icelui de la dépense de son voyage et des opérations qu’il aura à faire sur le lieu pour la découverte des sources suffisantes à pouvoir fournir de l’eau pour 2 ou 3 fontaines...
On fait donc appel à un sourcier, et le 10 Février 1765, on apprend qu’après la découverte d’une source au Cannet, les maire et consuls se sont rendus sur place. Les frais occasionnés par ce déplacement sont approuvés par le conseil qui reconnaît cette dépense légitime. En outre, le propriétaire des lieux demande une indemnisation pour les dommages occasionnés lors des recherches. Et à la suite de l’expertise, les assemblés, convaincus par l’exposé, accordent le dédommagement. Le rapport enregistré à la suite de la délibération, nous donne des détails sur les dégâts subis.
Du 22 janvier 1765, nous Antoine Manent, négociant expert moderne et juré de la communauté de ce lieu de Cannes, et Jean Antoine Bertrand, ménager du Cannet, hameau du dit lieu, sur la réquisition verbalement à nous faite par Messieurs les maire, consuls, de cette communauté, le dit sieur Jean Joseph Massier du dit Cannet, de procéder à l’estimation des dommages soufferts par ce dernier dans sa propriété de bien, au quartier des Escarrasses, terroir de Cannes, et à l’endroit où il a été travaillé à découvrir la source pour procurer à la dite communauté une fontaine, et du tout, en dresser notre rapport d’estimation. En conséquence, nous, dit Manent et Bertrand, nous nous serions rendus au dit Cannet ce jourd’hui, et dans la susdite propriété du dit sieur Massier, où étant arrivés sur les 10 heures du matin, et ayant eu la présence du sieur Jean Gazan, négociant, auditeur des comptes de la communauté, et du dit sieur Massier, nous aurions vu, vérifié et examiné la partie de terrain de la dite propriété à laquelle il a été occasionné des dommages ci-après détaillés, à raison de la découverte de la dite source, et après avoir mûrement réfléchi sur l’état du dit terrain que nous avons reconnu avoir été dénaturé, et quoi que véritablement remis avec ses éboulements et inégalités, nous avons observé et estimé les dits dommages à 32 livres qui procèdent, savoir :
-12 livres, pour le prix d’un gros olivier qui a été déraciné et enlevé, pouvait produire 15 paneaux d’olives de 2 en 2 ans,
-03 livres, pour même dommage d’un autre petit olivier, aussi déraciné,
-06 livres, pour l’éboulement du dit terrain, auquel il faudra employer 8 journées d’hommes pour travailler et arranger la terre à son premier état,
-06 livres, pour la non jouissance d’aucune production du dit terrain pendant le temps de 2 années, en grains, fourrages et autres denrées,
-03 livres, pour le terrain qui sera pris pour la servitude attenant la serve de la source,
-01 livre, 10 sols, pour l’éboulement de 6 faïsses en vignoble dont 3 se trouvent semées de bled et,
-10 sols, pour le montant de quelques pierres, tant grosses que petites, qui ont été prises d’une muraille de la dite propriété du dit sieur Massier, employées à la bâtisse des murailles et voûte de la dite source,
revenant en tout aux susdites 32 livres.
à laquelle susdite estimation, nous dits experts, amiablement convenus, avons procédé avec toute l’attention, recueillement et prévoyance…
Il faudra attendre le 3 mars 1765 pour avoir des informations sur la découverte, lors d’un autre conseil. Après avoir résumé les événements qui ont suivi la délibération du 7 octobre 1764, les maire et consuls exposent que :
Le sieur Bérard, agent de la communauté, leur adressa le sieur Joseph Aubert Maître hydraulique de la ville d’Aix, d’où il partit le 21 novembre et arrivé le 24 du dit mois pour faire la découverte des eaux, et après avoir visité le terroir de Cannes, il ne connut pas des meilleures sources dans le dit terroir qu’au cartier des Escarrasses dans les hameaux du Cannet, dont il fit la découverte, après plusieurs jours de travail interrompus par des fréquentes pluies. Les sieurs proposants en entrant en exercice de leur charge voulurent prendre connaissance des occupations du sieur Aubert, et ils se seraient portés sur le lieu de la dite source où ils l’auraient trouvé à faire travailler un maçon et quelques manœuvres, qu’ils faisaient un mur de clauson ou soit serve pour assurer les eaux de la dite source et pour qu’elle fut à l’abri de toute insulte suivant les ordres qu’il dit en avoir eu des sieurs consuls de l’année dernière, et qu’il espérait de finir dans peu des jours, mais les pluies ayant continuées, leurs opérations auraient été retardées. Enfin son ouvrage achevé, les sieurs proposants lui demandèrent si le volume d’eau qui découlait de cette source serait suffisant pour en donner à 2 fontaines à Cannes, dont l’une convenait d’être placée devant la chapelle Saint Sébastien pour être à portée du château seigneurial, de la maison curiale et des habitants de l’ancienne ville, et les versures d’icelle pouvaient être mises à profit pour l’arrosage de plusieurs jardins, l’autre au centre de la ville sur la marine, pour l’utilité du reste de l’habitation, pour les troupes de sa Majesté qui logent annuellement, attendu que Cannes se trouve sur la grande route d’Italie, et pour les bâtiments de commerce qui partent et qui abordent sur sa plage. Sur quoi, le dit sieur Aubert, ayant avoué que le volume d’eau dont il s’agit, n’était pas suffisant pour remplir l’objet des sieurs proposants, il décida qu’il fallait la joindre à une autre source visible au cartier du pas de Gallou, terroir de Mougins, laquelle se précipite dans un vallon, et afin que ses fontaines en soient bien solides, et qu’elles puissent être garanties par celui qui en aura l’entreprise, il était de toute nécessité de soutenir les eaux sur son hauteur afin de conserver une pente égale et éviter de regonfler. Pour cet effet, le dit sieur Aubert en a dressé le plan avec le devis estimatif pour 2 fontaines à placer aux endroits désignés, montant à la somme de 40133 livres, 11 sols, qu’ils ont remis sur le bureau, sur quoi, on observe que le plan pour la conduite des eaux se trouve tracé en partie sur le terroir de Mougins. Les sieurs proposants observent en outre, que pendant que le sieur Aubert était occupé aux susdits ouvrages, furent bien aises de s’informer des conditions qu’on avait pris avec le dit sieur Aubert au sujet de ses vacations et ne l’ayant pas pu savoir à cause de la mort de Monsieur Riouffe, maire, et que le sieur Gras son collègue assura n’en avoir pas connaissance, écrivirent au sieur Bérard sur les ordres duquel il s’était rendu ici, et par sa lettre du 24 janvier dernier, l’accord fut qu’il serait payé à 9 livres par jour partant d’Aix jusqu’à la découverte des eaux, et à l’égard des autres ouvrages, qu’il en conviendrait avec les sieurs maire, consuls, laquelle lettre est conforme à celle que le dit sieur Aubert apporta lui même en date du 20 novembre dernier, et qui a été remise aux sieurs proposants plusieurs jours après la mort de Maître Riouffe, en sorte qu’il s’agit de traiter avec le sieur Aubert pour ses vacations depuis la découverte des eaux jusqu’au jour du départ, puisque l’accord n’a pas été fait par leurs prédécesseurs…
Par manque de participants, il faudra attendre le conseil du 10 mars 1765 pour que la délibération soit prise :
L es assemblés, après avoir entendu la lecture de la délibération du 7 octobre dernier, les exploits tenus de la part des sieurs proposants au sieur Joseph Aubert, et de la part de ce dernier aux dits sieurs proposants, les réponses et réparties qui ont été faites de part et d’autre, l’extrait de l’acte de comparution pour constater de la vigilance des dits sieurs proposants à remplir les devoirs de leurs charges vis à vis du sieur Aubert, et le défaut de comparution de ce dernier, les assemblés ne peuvent qu’avouer que la conduite du sieur Aubert est fort indécente, et celle des sieurs proposants est très judicieuse, en sorte qu’ils ont unanimement délibéré de faire la liquidation des vacations du dit sieur Aubert, sur le pied de 9 livres depuis le jour de son départ d’Aix, jusqu’au jour de la découverte des eaux pour la nouvelle fontaine, comme aussi pour 3 jours de son retour, en conformité des accords du dit Aubert avec le sieur Bérard, agent de la communauté, et de 6 livres par jour pour le temps de son séjour sur les autres ouvrages, après laquelle liquidation et déduction faite de ce qu’il a ci devant reçu, les sieurs maire, consuls, lui expédieront mandat, laquelle susdite liquidation sera portée jusqu’au 5 du présent mois, jour qu’on assigna au dit Aubert par l’exploit du 4 pour venir recevoir son entier payement, le tout détaillé dans la susdite proposition. Et au surplus d’icelle, concernant le plan figuratif pour la conduite des eaux à faire, 2 fontaines à Cannes, dont l’une pour être placée au quartier du Suquet, et l’autre au centre de la ville, sur la marine, qui a été remis sur le bureau, et un lavoir par dessus la bergerie de Maître Preire, avec le devis estimatif, les assemblés, qui en ont examiné tout le mérite et reconnu les avantages que l’habitation en recevrait, l’ont reçu et approuvé…
Malheureusement, cet ambitieux projet ne verra pas le jour, faute de moyens financiers. Au fil des années, les inconvénients dus à la sécheresse se reposeront régulièrement, et il faudra attendre 1868 pour que le problème de l’eau soit enfin résolu dans le terroir cannois.
​
Entretien des routes et des bâtiments
Les bâtiments publics et matériels en dépendant sont de la responsabilité de la communauté (locaux communaux, chapelles, églises paroissiales…). Suivant une délibération de 1761 :
Représentent aussi, les sieurs maire et consuls, que les cloches de la paroisse du Cannet ayant besoin de réparations urgentes, tant à leurs chapiteaux, qu’aux liens d’iceux dont la plupart étaient cassés de vétusté, et le bois pourri, comme aussi, un des confessionnaux de la dite paroisse qui aurait besoin d’une prompte réparation pour en éviter une plus grande, auxquelles réparations, les sieurs proposants ont fait travailler, et le tout se trouve maintenant en bon état, pour lesquelles dites réparations, il a été dépensé 14 livres, 17 sols, suivant la parcelle liquidée par les sieurs auditeurs des comptes, et mise sur le bureau, requérant le conseil d’approuver la dite dépense.
En ce qui concerne le réseau routier, on peut distinguer :
-Les chemins royaux dont l’entretien est à la charge de l’Etat
-Les chemins reliant les communautés dont l’entretien est à la charge de la viguerie
-Les chemins et les rues reliant les différents lieux d’un terroir restent à la charge de la communauté.
Les frontières entre les différentes catégories de chemin provoquent parfois quelques litiges sur les responsabilités. Ainsi une délibération de 1762 :
Le sieur Joseph Massié, troisième consul, représente que le pavé du chemin du Cannet conduisant au hameau de Sainte Catherine, au dessus de la chapelle de Saint Claude, est totalement détruit depuis le vallon jusqu’à l’extrémité de la propriété du sieur Charles Sardou, maître chirurgien du dit Cannet, et requiert qu’il soit réparé aux dépens de la communauté, ainsi que le pont de Brasque, situé au quartier du Plan aboutissant à la rivière de Siagne, lequel pont est impraticable...
Le conseil, sur la réquisition faite par le sieur Massié, troisième consul, avant de délibérer sur les réparations dont s’agit, a arrêté qu’à la diligence des sieurs maire et consuls, il sera pris connaissance de l’état du pavé du chemin du Cannet au dessus de la chapelle de Saint Claude, et de l’objet de la réparation requise, et à l’égard du pont de Brasque, les assemblés ont commis le sieur Honoré Isnard, un des membres du conseil, pour examiner si la réparation du dit pont est à la charge de la communauté pour être situé sur un chemin public, ou si le dit chemin est purement voisinal1, et pour décrire l’objet de la dite réparation, et sur le rapport que le dit sieur Isnard fera après l’examen y défini, le conseil statuera ce qu’il jugera convenable...
Autre délibération de 1762 :
Représentent, les sieurs maire et consuls, que Messieurs les procureurs du pays leur ont adressé par le dernier courrier, un ordre daté du 30 du mois passé, portant qu’ensuite des plaintes à eux portées du mauvais état du chemin de Cannes au Cannet, et sur le rapport fait par Monsieur Daubenas, ensuite de la vérification faite par le sieur Vallon, ingénieur de la Province, sous les lieux, en présence des sieurs consuls de Cannes, il est ordonné à iceux de faire incessemment dresser un devis des réparations du dit chemin qui a été trouvé presque impraticable à cause des rochers qui se trouvent, par les pavés qui ont été détruits, et surtout par le vallon qui l’a fort rétréci, et qu’on est obligé de traverser plusieurs fois. Le dit ordre porte encore, que le dit chemin sera réparé jusqu’à la paroisse du Cannet, de façon à le rendre sûr et commode, autant que faire pourra, qui pour éviter de traverser le dit vallon, le chemin sera changé sur le bien supérieur, à la gauche, et que là où il aura été emporté par le vallon, il sera élargi dans les propriétés attenantes sans payer aucune indemnité aux propriétaires, en conformité de l’article 35 du règlement de 1757, enfin que le devis ayant été dressé, il sera exposé aux enchères, et après la délivrance faite, il sera mis à exécution aux dépens de la communauté, en faisant cette année, la moitié de la réparation, et l’autre moitié, l’année prochaine…
Autre délibération de 1763 :
Messieurs les maire et consuls représentent, que le sieur Estable, un d’iceux, résidant au Cannet, aurait été chargé de faire faire à l’avenue des Calvys, une partie de pavé, qui a été fait par Pierre Joseph Sardou, pour indispensable, y en ayant recetté pour 18 cannes, qui à raison de 18 sols la canne, ainsi d’accord, montent 16 livres, 4 sols...
Autre délibération de 1764 :
Représentent, les sieurs maire, consuls, que l’adjudication de la réparation du chemin de Cannes au Cannet fut passée aux nommés Jacques et Charles Sardou, du dit Cannet, sous le cautionnement de Laurent Calvy, moyennant le prix de 850 livres, dont 200 livres leur furent payées peu de jours après la dite adjudication du 30 septembre dernier, et 200 livres sont payables dans le courant de la présente année, que les dits Sardou demandent pour continuer la dite réparation, en prétendant qu’ils en feraient un emploi plus utile par l’avantage qu’ils auraient de trouver des travailleurs à bon marché, et comme ce payement ne devraient leur être fait que sur le mois de septembre prochain, les sieurs proposants ont cru ne pas devoir laisser ignorer au présent conseil la demande pour être délibéré ce qu’il sera trouvé convenable.
Sur la proposition, les assemblés se réfèrent à l’adjudication passée pour le chemin dont s’agit, aux dits Sardou, pour ce qui concerne le temps du payement qui doit être fait en conformité.
1 voisinal : vicinal.